Login

Productivité du travail La France modernise et investit moins dans ses porcheries

Le coût du travail est mis en avant par les professionnels agricoles français pour expliquer la perte de compétitivité des exploitations nationales dans un marché mondialisé. Mais saviez-vous que le travail était également un élément structurant de l’évolution des élevages porcins ?

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.


« Les écarts de productivité du travail sont importants
entre pays producteurs de porcs : ces écarts offrent ainsi
aux plus compétitifs un avantage concurrentiel notable. »
(© Ifip - Institut du porc)

Le travail est une composante majeure des contraintes économiques ressenties par les éleveurs, en étant par exemple le deuxième poste de coût chez les naisseurs-engraisseurs ; mais il fait également partie de nouvelles attentes sociales exprimées par les éleveurs.  

Dans le détail pourtant, et d’après les données de Gte-Tableau de bord et d’enquêtes en élevages, ce temps de travail moyen par truie est en diminution. Mais en y regardant de plus près, on constate toutefois que la dispersion autour de la moyenne reste très importante, avec un facteur de variation de 1 à 3.

Cette donnée montre que les marges de progrès existent donc bel et bien pour améliorer la productivité du travail en France.

Le travail un critère de production oublié

« En 2009, le temps annuel passé par truie a un coefficient de variation de 40 % contre 11 % pour le nombre annuel de porcs produits par truie et 6 % pour l’indice de consommation global ou la vitesse de croissance », expliquait ce propos Christine Roguet (Ifip-Institut du porc), à l’occasion des dernières Journées de la recherche porcine à Paris.

Le temps de travail en France

Chez les naisseurs-engraisseurs, la taille moyenne des 265 élevages avec truies, situés à 70 % en Bretagne, est de 225 truies présentes.
L’utilisation de caillebotis en engraissement, l’automatisation de la distribution alimentaire et l’emploi salarié augmentent avec la taille de l’atelier.
Sur les 149 naisseurs-engraisseurs totaux, on observe un écart moyen de 17 % sur le temps de travail, avec un temps  moyen compris entre 20,7 h et 17,2 h/truie présente/an. « Cet écart correspond aux pauses, aléas, temps entre deux tâches qui "échappent" à l’approche détaillée », expliquait Christine Roguet (Ifip-Institut du porc), à l’occasion des Jrp en février 2011 à Paris.
Par atelier, le temps se ventile de la manière suivante : 62 % du temps est consacré au naissage, 15 % au post-sevrage et 23 % à l’engraissement.
Mais la tâche « la plus chronophage » est l’alimentation et la surveillance quotidienne des animaux (46 % du temps), devant les soins et la surveillance en maternité (17 %, le nettoyage et la désinfection (12 %) et les transferts (9 %). « Le temps consacré à l’entretien des bâtiments et la gestion d’entreprise apparaît assez long et très variable (11 %). À l’inverse, la reproduction, pourtant stratégique, ne prend que 5 % du temps. »

Ainsi, il semblerait donc que la filière ait quelque peu oublié que le travail était également un critère de production à optimiser, au même titre que la productivité des animaux, l’efficacité des aliments ou des bâtiments.

« On relève également que les écarts de productivité du travail sont aussi importants entre pays, offrant un avantage concurrentiel aux plus efficaces, d’autant que la relation entre le temps passé et les performances zootechniques est très faible », précisait la spécialiste de l’Ifip.

L’institut a donc voulu investiguer en lançant une étude visant d’une part, à situer l’efficacité du travail dans les élevages de porcs français par rapport à leurs principaux concurrents européens ; d’autre part, à en comprendre les écarts.

 L’analyse a été faites sur différentes données : celle du temps de travail des  élevages suivis en Gte, auxquelles se sont ajoutées les données du groupe d’experts internationaux Interpig, auquel participe l’Ifip, et des enquêtes menées auprès d’un large échantillon d’élevages en France renseignant sur « des données détaillées sur le temps de travail et leur analyse approfondie ».

Un retard sur l’investissement en France

Comparaison européenne

Grâce au travail mené par le groupe d’experts Interpig, il est désormais possible de comparer les performances technico-économiques des élevages porcins des pays membres :
Les temps annuels de travail par truie en production en France et en Allemagne sont proches (comme leurs tailles d’élevage) avec respectivement 21,3 h de travail/truie/an en France et 19,7 h en Allemagne en 2009. Mais les Pays-Bas (16,6 h) et le Danemark (15,1 h) sont bien mieux placés.
Un éleveur néerlandais produit 141 kg/h de carcasse soit le niveau atteint par le tiers des meilleurs élevages français classés sur le temps par truie.
Les différences d’efficacité sur le naissage traditionnel « sont édifiantes » : 3,25 porcelets produits/h aux Pays-Bas, 2,55 porcelets produit/hau Danemark mais seulement 1,59 porcelet en France. La principale explication se trouve dans la restructuration accélérée qu’ont fait les Pays-Bas avec « des outils de production de grande taille, compétitifs, avec des bâtiments modernes, rationnels et aux normes accédant aux meilleures performances techniques mondiales », résumait Christine Roguet (Ifip-Institut du porc).

Les résultats de cette compilation de données montrent que « la concentration et l’agrandissement rapide des élevages au Danemark et aux Pays-Bas s’est accompagnée d’une modernisation des porcheries et d’une sélection implacable des éleveurs ». Conséquence directes de ces choix : les gains d’efficacité ont été impressionnant y compris sur le travail.

En France, la bonne nouvelle est que « les meilleurs élevages français atteignent ces niveaux » ; mais la mauvaise est que « l’écart entre pays se creuse surtout avec le retard de modernisation et d’investissement en France ».

Pour compenser cela, expliquait Christine Roguet, les éleveurs français ont fortement optimisé leurs coûts du travail « par les économies d’échelle, l’automatisation et la robotisation, la rationalisation et la spécialisation des tâches ». Mais la spécialiste craint que cela ne « [conduise] à détériorer les conditions de travail, au risque de voir les éleveurs se détourner de ce métier ». 

 

 

Pour aller plus loin

Ifip-Institut du porc : www.itp.asso.fr.

 

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement